Ezekiel Chibeze, co-fondateur du groupe local 350 au Ghana et leader du Strategic Youth Network for Development fait partie des six militants écologistes qui ont été annoncés lundi comme lauréats du Prix Goldman pour l’environnement 2020 pour avoir mené une campagne populaire visant à annuler la construction du premier centrale au charbon au Ghana et pour son oeuvre dans l’accélération d’une transition énergétique basée sur les renouvelables.
Ce prix prestigieux est une reconnaissance des efforts inlassables et du travail de campagne intense que Chibeze et ses collègues ont accompli depuis notre première rencontre en 2013. À l’époque, l’équipe de sept jeunes militants écologistes a été formée au Global Power Shift Summit organisé par 350.org et qui a réuni plus de 500 jeunes militants du monde entier dans les techniques de campagne climatique créative et ambitieuse.
De retour au pays, 350 Ghana avec d’autres associations de la société civile se sont lancées dans une lutte contre la centrale à charbon de 700 MW proposée à l’époque dans la région d’Ekumfi, mettant en garde contre les dangers des centrales au charbon, soulignant ses très graves impacts sur la santé et l’environnement et dénonçant les mensonges contradictions propagées par les promoteurs. D’après ces derniers, le projet était proposé en réponse aux pannes d’électricité devenues si fréquentes, paralysant les entreprises et affectant le bien-être des populations à travers tout le Ghana.
Entre 2014 et 2015, 350 Ghana et ses alliés sont allés sur le terrain pour mobiliser et sensibiliser les jeunes des écoles, des étudiants, des communautés et des chefs religieux sur les impacts dangereux du charbon sur la vie humaine, les habitats naturels et les écosystèmes en général. Les militants dirigés par Chibeze ont également envoyé de nombreuses lettres aux banques et aux institutions gouvernementales. L’absence de réponse de ces institutions était déjà un signe éloquent que les arguments avancés par la société civile étaient extrêmement solides, imbattables.
En octobre 2015, j’ai visité le groupe pour un atelier de stratégie visant à revoir et à consolider la lutte anti-charbon. Au cours de la discussion, Farid Shamsu Deen, l’un des membres du groupe a demandé: “Pourquoi devrions-nous accepter Shenzhen Energy Group, une société qui a été chassée dans son propre pays (Chine) pour prospérer au Ghana tout en ayant un impact négatif sur nos communautés, notre santé , notre eau et notre air?” Ce commentaire indiquait la résolution de son équipe à ne ménager aucun effort tant que ce rêve de charbon ne serait pas abandonné.
À la fin de 2016, le ministre de l’Environnement du Ghana a déclaré que la centrale à charbon était suspendue. Quelques mois plus tard, le nouveau président a annoncé que tous les nouveaux projets énergétiques seront désormais axés sur les renouvelables.
L’annulation de ce qui aurait été la première centrale électrique au charbon du Ghana a déclenché une vague de luttes anti-charbon à travers le continent – du Sénégal au Kenya, du Zimbabwe à l’Afrique du Sud en passant par la Côte d’Ivoire où les militants se battent aux côtés des communautés affectées pour l’arrêt de la construction de nouvelles usines charbonnières et l’élimination progressive de celles existantes.
Le modèle de campagne ghanéen est une excellente combinaison de tactiques “classiques” de mobilisation et d’engagement des communautés de base avec des tactiques “modernes” liées au lobbying, au plaidoyer et à la communication via les plateformes en ligne. Il a confirmé une fois de plus l’immense pouvoir des forces et des voix unies et l’efficacité du plaidoyer communautaire pour parvenir à un changement systémique.
La reconnaissance de Chibeze avec le Prix Goldman montre que les efforts collectifs par le biais des campagnes communautaires peuvent permettre aux gens ordinaires de revendiquer leurs droits et de surmonter les injustices sociales et de remporter des victoires inspirantes pour des milliers d’activistes a la base, des communautés locales d’Afrique et du monde oeuvrant pour une véritable justice climatique. Si un groupe de sept volontaires est parvenu à convaincre leur gouvernement à annuler ce qui aurait été la première centrale électrique au charbon du pays, que ne pourrions-nous pas accomplir en tant que coalitions nationales, mouvements régionaux et mondiaux travaillant main dans la main pour une planète sans fossiles ?